A priori, un triathlon longue distance devrait être très semblable à n'importe quel autre triathlon longue distance mais avec le Celtman, c'est différent...
Et oui, en "investissant" les villages de Sheildag et de Torridon dans les Highlands, nous avons non seulement pu assouvir notre soif de challenge sportif (et de quelle manière) mais nous avons également (et surtout) vécu pendant 4 jours avec et parmi les "celtes" qui se sont montrés d'une générosité sans nom pour faire de cet événement une réussite magistrale.
Mais revenons sur la course car même si la performance chronométrique n'est pas l'objectif numéro 1 de la majorité des 127 participants au départ, cele n'en demeure pas moins une épreuve...
Lever brutal et extrêmement matinal à 2h15 du matin (oui, dès ce moment, on sait que la journée va être longue) pour un petit déjéuner "Gatosport" accompagné de toasts de notre hôte qui a tenu à se lever pour partager le petit déjeuner avec nous. (Ca en dit long sur l'accueil...) Alors qu'il n'est pas encore 3h15, j'ai déjà récupéré ma puce au QG du départ et je suis en train d'installer mon vélo dans le parc à transition rudimentaire (mais avons-nous ici réellement besoin de plus) le long du loch. Les préparatifs sont très matinaux car à 4h, nous prenons tous le bus pour nous rendre de l'autre côté du Loch et se prendre la mesure des éléments qui nous entourent. Un peu de cornemuse et un premier briefing guère rassurant: la température de l'eau a encore diminué: le parcours est (légèrement) réduit: nous n'aurons au total que 3000m à parcourir.
L'organisateur de l'épreuve nous invite à rentrer dans l'eau pour rejoindre les kayaks sur la ligne de départ virtuelle mais l'envie de plonger les pieds dans le loch est faible. Pourtant, il faut s'y résoudre... Dès les premiers pas, je sens que c'est froid, très froid. Il n'y aura pas 100.000 solutions, il va falloir nager le plus proprement et rapidement possible pour sortir de ce frigo... Dès les premiers mouvements, je me sens bien dans l'eau. Les progrès réalisés se font resentir et je prends un rythme relativement élevé qui me donne l'impression de nager à une très bonne allure. J'ai par contre du mal à nager en 3 temps car en nageant de la sorte, ma tête reste quelques dixièmes de secondes de plus dans l'eau et ça, c'est clairement une mauvaise idée... Cependant, je m'oriente très correctement, essayant toujours de garder des concurrents à gauche et à droite afin d'optimiser ma route... Après quelques centaines de mètres, je me rends compte que nous ne sommes pas seuls dans l'eau. En effet, des dizaines de méduses peuplent ce loch. Heureusement, pas de piqûres mais surprenant. Par après, le soleil se lève et la sensation (mentale) est grandiose; les sensations dans les mains et dans les pieds sont par contre toutes autres... Je commence à avoir froid. Après 45 minutes dans l'eau, je me dis que je suis déjà dans l'extrême... Je termine de nager en 58'30... Par contre, paralysé par le froid et géné par les cailloux, je ne parviens pas à me relever pour m'extraire de l'eau... Quelle galère à ce moment-là. Et visiblement, je ne serai pas le seul...
Jean-Louis et Jocelyne (ma grandiose équipe) m'attendent à la sortie pour ce qui sera la transition la plus longue de ma vie. Tremblottant de partout, j'ai du mal à me changer. Sur le côté, un médecin de la course qui m'avait à l'oeil depuis ma sortie de l'eau fait signe à Jean-Louis que je suis maintenant OK pour partir. (Après avoir discuté avec Ian, notre hôte, copain qu médecin, il s'avère que le médecin avait initialement décidé de me retirer de la course si ma tremblotte ne se stabilisait pas rapidement... Ian nous dira également que la température de l'eau avait finalement été mesurée à 10°). Finalement, au bout de 10 longues minutes, je m'élance pour les 202 kms du parcours vélo.
A priori, le parcours vélo ne me faisait pas trop peur car j'avais de bonnes sensations dans cette discipline... Cependant, je me suis vite rendu compte que les Highlands, c'était très différent de la Belgique.En Effet, même si le dénivellé sur une carte a l'air inoffensif, je me suis retrouvé sur un toboggan qui n'arrêtait pas de monter et de descendre. Il était pour moi quasi impossible de trouver le bon rythme et de me caler sur une certaine allure. Les paysages étaient merveilleux, certes, mais physiquement, c'était autre chose. PLus d'une fois, je me suis retrouvé sur mon 34-25... Mais bon, les kms défilaient néanmoins et je restais dans mon schéma de course. Jean-Louis et Jocelyne me prouvaient à chaque stop à quel point j'avais de la chance de les avoir comme support. Tout ne pouvait que bien se passer. Au km 121, au point culminant de la course, nous avions convenu d'un arrêt sandwiche. Déjà 1600m de d+! Mes sensations sont toujours bonnes et les messages qu'ils me donnent par rapport aux autres concurrents confirment que je ne puise pas trop dans mes réserves sur les parties plus difficiles du parcours. Du 130e au 160e, ce n'est que du bonheur, la route descend et nous avons le vent qui commence à se lever dans notre dos... La moyenne grimpe petit à petit. Au 150e, alors que j'ai déjà nagé pendant 1H et roulé 6h, je souris lorsque je pense qu'il n'est "que" midi; je souris moins quand je pense que je pense arriver vers 22h... Néanmoins, avec mes calculs sur le vent, j'estime que la dernière partie ne pourra être au pire que vent de côté... Bon, il doit y avoir quelque chose bien particulier dans cette partie de l'Ecosse car, alors que le parcours remonte, par pallier le long de lacs, c'est le vent de face que nous devons affronter, couplé à une pluie qui vient durcir les cuisses et rafraichir l'atmosphère qui n'avait par ailleurs jamais été vraiment chaude (16° max - peut-être...). Enfin bref, cette partie est difficile. D'autant plus que je commence à soufrir du bas du dos, probablement dû au temps que j'ai essayé de passer sur le prolongateur. La moyenne chute brutalement... D'autant plus que malgré les 200 kms au compteur, l'aire de transition ne se présente toujours pas devant moi... J'espère à chaque virage mais rien n'y fait. Finalement, le parcours affichera 204 kms réels et 2015 m de d+...
Avec mes 2 longues transitions, cela fait maintenant quasi 9h30 que je suis parti. Mon prochain objectif est simple: rejoindre T2A (le parc transition au pied de la montagne) avant 12h de course afin de réussir le "cut off" et, en conséquence, avoir le droit d'affonter la haute montagne. Simple, oui, si ce n'est que les 18 kms de CAP qui s'offrent à nous (car Jean-Louis fera toute la partie à pied avec moi) contiennent une première côte avec 250m de d+. Etant donné ma gestion de l'effort, je décide tout de suite de marcher vite en montée et prendre de la "vitesse" en descente ou sur le plat, monitorant les kms précisément et visant non pas un temps exceptionnel mais un maximum d'énergie à T2A. Malheureusement, j'ai rapidement du mal à m'alimenter correctement et je resens assez rapidement quelques (petits) troubles intestinaux. Rien de bien méchant mais la pompe à énergie risque de ne plus être alimentée correctement pour les prochaines heures et les prochaines échéances... Alors que nous pourrions courir sur certaines parties, je continue à marcher, voulant sauvegarder mon énergie et espérant un retour providentiel de toutes mes capacités d'absorption. Malheureusement, bien que nous soyons arrivés à T2A dans les délais (pour 8 minutes ... quelle gestion!), je me rends compte qu'il serait difficile de s'engager en haute montagne sans avoir la possibilit" de remplir le réservoir (qui est déjà sur la réserve!). J'hésite de longues minutes sur la suite à donner à cette aventure. Je choisis la voie basse, me ravise auprès de l'organisation et puis, finalement, je me montre raisonnable et bien que mes jambes ne montrent aucun signe de faiblesse, je me rabats définitivement sur la route alternative. Cette décision fût très difficile à prendre car on vient toujours pour le plus gros challenge. Mais il faut aussi être en mesure d'acouter son corps et de continuer à prendre du plaisir dans l'effort. Aujourd'hui, 3 jours après l'épreuve et alors que je me sens en très bonne forme, je sais que c'était le bon choix.
Nous sommes donc partis avec Jean-Louis à l'assut de ces 22 derniers kms. En fait, si mes jambes ne me font pas mal, c'est mon dos qui se venge. Le bas du dos pour le vélo, le haut pour la course à pied. A priori, il n'a pas aimé de devoir supporté un sac à dos sur l'ensemble de l'épreuve. (avec l'eau et le matériel obligatoire, j'étais à +/- 3,5 kgs max). Notre montée, bien que n'étant pas celle de la "haute route", n'en reste pas moins challenging. Nous évaluons à 350m de d+ cette mise en jambes et là aussi, j'ai été enchanté d'avoir été aussi "lucide" et si peu "ambitieux" à T2A. Cette côte continue à limiter les espérances chronométriques. Sur le sommet, le sentier qui se dessine devant nous est tout sauf roulant; à chaque instant, il faut faire attention pour placer son pied sous peine de chute. Devant moi, Jean-Louis choisit les trajectoires afin de réduire les difficultés naturelles. Les paysages restent époustouflants... Jean-Louis profite et moi, je continue à déguster. Néanmoins, bien que nous ayons effectué 2 petites poses, notre rythme est très correct et nous rejoignons finalement le tarmac pour les 5 kms finaux qui n'apportent plsu vraiment de difficulté...
L'arrivée est en vue. Je suis de nouveau extrêmement heureux de terminer un triathlon longue distance mais comme, je le disais en commençant ce post, ce triathlon-ci est quand même vraiment différent...
D'ici quelques jours, je posterai les innombrables photos prise spar Jocelyne. Impatient de voir la performance dans ce cadre de jeu magnifique qu'étaient les Highlands.